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Vaulascar, ce que j'en pense aujourd'hui

Dix ans après L'Amazone , ce roman porte les traces de sa longue gestation et les blessures de son accouchement. Bizarrement inspiré de Cervantès   (le chien Berganza est un personnage des Nouvelles exemplaires ) et de Tex Avery, d'E.T.A. Hoffmann (qui fait revivre Berganza dans ses Fantaisies ) et de Queneau (comme le héros du Chiendent , Vaulascar n'est qu'un nom, une silhouette d'encre), Vaulascar est un fourre-tout de mes fantasmes, de mes obsessions et de mes angoisses, un rêve agité, débordant, dont la psychologie est absente comme la vérité des sentiments qui se dissimulent sous chaque silhouette de ce théâtre d'ombres.
Et pourtant tout est déjà là - comme on le dit d'une première séance de psychanalyse -, énoncé, deviné, dérobé. Du temps où je vivais seul sous les combles du 21 Place des Vosges (dans le deux pièces qu'avait occupé un certain capitaine Maigret, voisin de palier d'un romancier belge débutant, Georges Simenon), le cirque Gruss s'installa avec son éléphante dans la cour de l'Hôtel Salé, le futur Musée Picasso. J'aimais le cirque, les prestidigitateurs et les hologrammes, ces images impalpables en trois dimensions, suspendues dans le vide. Le doute généralisé qui déstabilise toutes choses dans ce roman reflète la double influence de la psychanalyse que je pratiquais assidûment, et du discours tenu alors par Chomsky sur le langage : on ne peut élaborer la grammaire d'une langue naturelle sans recourir à maintes exceptions aux règles, seulement essayer des « modèles » successifs pour décrire cette langue de mieux en mieux. Une grammaire parfaite est inconcevable, aussi bien que la connaissance de l'inconscient. Cette conception (un peu « orientale » et décevante pour un esprit cartésien) de la Vérité impossible à atteindre me semble encore le plus sûr fondement d'une sagesse sceptique.
Malgré ses défauts et son incertitude profonde, je ne peux renier ce bâtard monstrueux, ni songer à lui donner un coup de peigne ou l'obliger à marcher droit. Avec sa folie, son goût de l'égarement, il me ressemble trop, en toute sincérité. Mais, trente ans plus tard, si je devais le refaire, je l'imaginerais volontiers comme un de ces jeux vidéos dont la plasticité et les itinéraires sont sans limites.
-> Ce qu'en pensent les critiques
-> Résumé de Vaulascar
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