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Naissance d'une passion

Roman, éditions du Seuil, 1985

Ce que j'en pense aujourd'hui  :

Je me souviens de l'ambition enthousiaste qui m'a soutenu en écrivant le premier tiers du livre, puis de la mélancolie inexorable qui m'a gagné en m'éloignant des plages ensoleillées de l'enfance. Peut-être est-il prématuré, à trente-sept ans, de vouloir faire le bilan d'une jeunesse : on manque trop de recul pour éviter l'amertume. La seconde moitié pourrait sans doute être élaguée de quelques pages sans dommage, mais je resterais fidèle à la structure de l'ensemble. La construction en trois volets - le récit inaugural d'Axel, le regard critique de Bayard, puis la revanche finale de l'auteur sur ses personnages - constitue un jeux de miroirs efficace contre les complaisances qui menacent toute confession « romanesque ». En l'occurrence, j'avoue d'emblée mon intention d'évoquer ainsi ce qui fut vécu et ressenti plutôt que de raconter ce qui fut vraiment. Comme l'expliquait Oscar Wilde, l'art ne se bâtit durablement que sur le mensonge.
Il me semblerait donc difficile et vain de chercher à démêler ici le vrai du faux, comme plusieurs membres de ma famille ont inévitablement essayé de le faire. Alexandre a le caractère autoritaire de mon grand-père André, à peu près, mais celui-ci n'a jamais été séparé de sa femme Suzanne et son humble villa Saintonge n'avait pas l'ampleur de l'arrogante Providence . Les parents du narrateur ressemblent aux miens, mais tous les oncles, tantes, cousines et cousins - surtout celles et ceux qui ont cru se reconnaître - sont fabriqués d'étoffes diverses recousues sans modèle. Je n'ai pas croisé Bayard ni Pierre-et-Paul dans ma famille. Mariane, je ne l'ai rencontrée qu'à vingt-cinq ans, non dans un landau, etc. Je n'ai pas eu non plus, hélas, une sexualité aussi précoce et aisée que le narrateur avec sa cousine délurée et tant aimée. En revanche, des épisodes délibérément inventés, des hypothèses émises au hasard sur tel ou tel personnage, se sont révélés exacts après coup, des inconnus m'écrivant pour savoir comment j'avais pu être informé de tant de secrets... L'écriture est une procédure de découverte, m'avait dit Jean Cayrol, je ne l'ai jamais aussi bien vérifié qu'avec ce livre.
Pour trancher ce noeud mal ficelé entre roman et récit, je dirais que dans Naissance d'une passion, les faits, les personnages sont largement fictifs. Mais par contre, tout l'imaginaire est vrai : les émotions, les amours, les chagrins et les désirs, je m'en porte garant. De nombreux lecteurs ont espéré trouver là un traité scabreux de l'érotisme enfantin : le succès en littérature repose toujours sur un malentendu.
-> Ce qu'en pensent les critiques
-> Résumé
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