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Royan

Je suis né à Niort, en passant, mais je suis venu au monde à Royan. Plus exactement à Pontaillac, dans une petite rue perpendiculaire au mur de la plage, où les parents de mon père avaient une villa nommée « Saintonge ». Dans cette maison modeste se retrouvaient chaque été et à Pâques les vingt et un petits-enfants d'André et Suzanne, à tour de rôle, et leurs parents.   Je me souviens du moindre centimètre carré de « Saintonge », la première d'une série de maison amantes qui auraient dû me conduire à devenir gynécologue ou architecte. Une chambre avait un haut lit avec un « ciel » et des rideaux, le lit « à la duchesse », et c'est là que je lus Proust pour la première fois, adolescent. Royan, c'est aussi l'espace de la plage dont la géométrie variait avec les marées, les jeux dans les vagues, les coups de soleil, les corps dénudés sur le sable. Mon grand-père, qui avait connu le Royan somptueux d'avant les bombardements alliés, nous expliquait que nous vivions sur un champ de ruines lamentablement livré aux urbanistes bétonneurs élèves du Corbusier. Royan   a donc   mêlé en moi de façon inextricable l'éblouissement devant la mer ensoleillée, l'érotisme des bains et des maillots, la saveur des glaces et du sucre en fusion dans les baraques foraines à la tombée du jour, et le goût des ruines. Toutes choses qui se retrouvent dans Naissance d'une Passion où la villa « Saintonge », rebaptisée « Providence » et magnifiée, prend la silhouette d'une grande bâtisse sur les rochers, une maison bien réelle et qui existe toujours, divisée en appartements. Avec Royan, il faudrait aussi citer les Charentes, le marais de la Seudre et le village de Mornac, le phare de Cordouan et la pointe de la Coubre, Comme dans le même roman. C'est aussi à Royan que mes parents sont morts et enterrés.

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