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L'objet perdu de l'amour

Roman, éditions du Seuil, 1988

Résumé :

Miroir nocturne de Naissance d'une passion qui débutait avant ma mise au monde, ce roman commence avec ma mort, mes obsèques et ce qui s'ensuit logiquement, me semble-t-il, une descente aux enfers. Toutefois, ces enfers sont peu chrétiens et relativement frais. On s'y promène dans une semi-obscurité d'où émergent des pans de l'ancienne réalité, des rues, un village, un appartement, moins solides que ceux de jadis mais suffisants pour survivre à peu près. J'y retrouve mon ancien coiffeur, Léon, et mon dentiste, trépassés avant moi, ainsi qu'une petite Camille ardemment désirée jadis. Aux enfers, tout est possible et permis, on peut boire et fumer, se gaver et faire l'amour avec Camille, peu importe ; mais en même temps, plus rien n'a la même saveur, tout est plus fade et nous laisse sur notre faim à jamais. Les choses se gâtent lorsque j'apprends par Léon (qui reste en contact avec le monde des vivants, là-haut), que ma biographie « autorisée » va être publiée par les soins de Samuel, mon exécuteur testamentaire, dont je crains les éventuelles révélations.
La deuxième partie relate ma rencontre autrefois avec le jeune Samuel encore adolescent, en vacances avec sa tante Apolline, à Venise où j'assistais à un colloque de psychanalyse orchestré par le peu scrupuleux professeur Tiramisu. Apolline venant à mourir, j'adoptais Samuel auquel je m'attachais de plus en plus, en faisant au fil des ans mon secrétaire particulier.
Dans la troisième partie, j'explique en effet la difficulté de mes relations avec ma compagne Véra, dont j'ai eu un fils peu viable, vite confié à un ami médecin travaillant au Muséum d'Histoire Naturelle, rue Buffon, où je m'installe parmi les monstres conservés dans le formol pour écrire le mystère de ma paternité, la douleur étrange de ce « fils gothique ».

Ce que j'en pense aujourd'hui  :

Ce livre est bien mon fils gothique à moi, et j'ai pour lui plus d'affection que pour d'autres comme on peut préférer le plus bizarre de ses enfants. En fait, ce livre post mortem était un contrepoint logique au précédent conçu ante vitam . Il s'agissait pour moi de poser ainsi les deux butoirs symboliques du rayon de bibliothèque que je serais amené à produire ensuite, si Dieu me prêtait vie, chaque nouvel ouvrage venant se placer entre ces deux presse-livres. La présence de la faucheuse me serrait de près alors, divers suicides d'ami(e)s, en cours d'écriture, et la mort brutale de ma mère en 87 finirent par donner un écho grave et angoissé au dernier tiers du roman commencé pourtant dans l'allégresse. La description du fonctionnement des enfers m'a rempli d'une gaieté macabre et légère, de même que la partie vénitienne. Il faut croire qu'il y a des livres qu'on échafaude d'abord pour soi, sans s'en rendre compte. Le public de Naissance ne m'a pas suivi dans mes dédales souterrains, effrayé par ces perspectives funestes et ouvertement fantaisistes. En cela, l'Objet... n'était pas plus fictif ni moins réaliste que son prédécesseur ; mais les lecteurs qui s'étaient aisément identifiés aux enfants à la plage de l'après-guerre n'entendaient pas descendre outre-tombe avec moi, même pas en imagination, ce qui me confirma dans l'analyse du succès comme malentendu.

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