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Esprit de Mai

Roman, Gallimard, 1995

Résumé  :

Le narrateur Aliocha, écrivain, et son éditeur Vaudreuil discutent souvent de l'art d'écrire et du sens de l'époque, à Paris, en fin de siècle. Ces conversations se prolongent pour Aliocha avec deux autres amis, Antoine Trouveluque et Eugène Jolibut, qui ont aménagé dans un coin obscur du quatorzième arrondissement, un local discret, une sorte de laboratoire où Antoine essaie de reconstituer les circonstances - culturelles, historiques, climatiques, chimiques, etc. - qui ont rendu possible autrefois l'irruption imprévue de Mai 68, non seulement à Paris mais un peu partout dans le monde, de la Chine aux campus américains en passant par l'Europe de l'Est. Antoine et son jeune adjoint Eugène se demandent si un tel phénomène a été le fruit du hasard ou le résultat d'une combinaison de facteurs de toute sorte dont on pourrait définir les principes actifs, les isoler, en extraire la quintessence dans un alambic philosophique, comme un parfum explosif, l'Esprit de Mai, qu'il suffirait de pulvériser dans l'air ambiant pour que l'Histoire se répète. Aliocha, aujourd'hui comme en 68, est plus sceptique que ses amis, même s'il n'est pas épargné par la nostalgie de ces années et leur résonance intime.
 

Ce que j'en pense aujourd'hui  :

Esprit de Mai est ma première tentative d'improvisation délibérée en littérature. Je venais de quitter les Editions du Seuil, après vingt-huit ans de fidélité, et j'occupais temporairement un petit bureau au Mercure de France. J'avais envie d'écrire, pour rééquilibrer mon quotidien quelque peu déstabilisé, mais sans avoir de sujet précis en tête. Pas même une ambiance, un titre, un thème, comme un musicien de jazz. Je me suis donc lancé, à partir de l'émotion esthétique ressentie lors d'un ballet de William Forsythe, et j'ai inventé chaque jour un épisode à la suite du précédent ; le motif de Mai 68 est apparu assez tôt, puis l'idée du laboratoire de sociologie révolutionnaire, et les deux personnages d'Antoine et Eugène. Ensuite Marie et son double, mes dialogues avec mon sexe, surnommé Paul. L'histoire de M. Takata, le Japonais de Los Angeles qui se fait tatouer jusqu'à en mourir, constitue une nouvelle en soi et s'est incrustée dans le roman comme une perle ou un parasite, une parabole de l'écriture, un miroir de sorcière dans un décor baroque. Le tout reflétant assez bien ce que j'avais connu et aimé pendant 68 et après. Le résultat de cette méthode souvent digressive est moins décousu qu'on ne s'y attendrait, dans la mesure où la liberté que je me suis apparemment accordée ainsi n'a fait que mettre à jour des chemins déjà tracés dans l'inconscient : encore une fois l'écriture est une procédure de découverte.

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